Bonjour,
Depuis plusieurs semaines cette année, je suis perturbé par une question.
Pourquoi les conseils de classe invitent les étudiants à se réinscrire sur Parcours Sup alors qu'en 1999 déjà, les plus grands lycées invitaient tous leurs élèves à une inscription en DEUG à l'Université ?
Désormais, c'est une obligation pour tous les élèves d'être inscrits en Licence à l'université. Un étudiant qui ne souhaite pas poursuivre en spé, en khâgne ou en ECG 2 peut donc choisir de faire la L2 dans la matière choisie...
Quel effet cela peut-il avoir si sur 80 000 élèves en prépa (50 000 en première année ?) 10 élèves par classe sont invités à se réinscrire sur Parcours Sup par "sécurité". Est-ce que ça fait 10 000 candidatures étudiées chaque année, "au cas où" ?
# Mise à jour Juin 2023 #
J'ai eu des éléments de réponses par les élèves que j'accompagne cette année :
Les élèves de maths sup, prépas ECG ou hypokhâgne qui s'inscrivent sur ParcoursSup ne sont par prioritaires. Après un an d'études, ils ne sont pas admis dans les cursus auxquels ils auraient eu accès un an avant. Les profs qui les poussent à le faire les conduisent à vivre une humiliation inacceptable à mes yeux.
Je vous invite donc à considérer qu'il est beaucoup plus normal de faire les démarches pour intégrer les L2 où vous avez beaucoup moins de concurrence, que de refaire un dossier "Parcours Sup" comme on vous y invite !!!"
# fin mise à jour #
Mais revenons sur mon sujet.
Il y a 1 an, c'était une étudiante d'Henri 4 qui était poussée vers la sortie début juin.
Il y a 20 ans, c'était une étudiante de Ginette à qui on apprenait le 30 juin qu'elle n'était pas gardée l'année suivante.
Dans la charte des classes prépas
- que je ne retrouve d'ailleurs pas, ni au bulletin officiel, ni sur le site de la conférence des grandes écoles... (toutes les informations sont sur internet mais pas quand on veut y avoir accès). Si vous cherchez sur les bulletins officiels vous constaterez en passant l'absurdité : au lieu d'avoir le texte à jour on vous propose des documents qui disent "à l'article 7 on modifie mathématiques par mathématiques et physique". Surréaliste -
L'engagement normalement pris par un établissement qui prend un élève en sup, en hypokhâgne, BCPST ou ECG c'est de l'emmener jusqu'aux concours !
Je suis tous les ans perplexe de constater que les établissements les plus prestigieux qui s'enorgueillent d'avoir 10 000 candidatures pour 550 places :
“Tous les jours, il en arrive des sacs pleins.” Des candidatures à ses prépas, Patrice Corre, proviseur du lycée Henri-IV à Paris, n’en manque pas. “10.000 dossiers, pour 550 places”, confie-t-il.
Comment font-ils pour penser être les meilleurs et chaque année insulter et humilier les candidats retenus qui ne rentrent finalement pas dans leur critères ?
"Vous n'avez pas votre place ici"
Devrait appeler la réponse systématique :
C'est vous qui m'avez sélectionné(e) !
Il me semble que ces établissements devraient être tenus pour responsables des résultats de l'ensemble de leurs élèves. En effet, il semble même que la plupart des enseignants ne fassent pas de distinction entre des élèves travailleurs et des élèves talentueux dont on dit jusque-là qu'ils ont "des facilités".
Ces derniers sont brillants, certes, mais ils ne sont pas toujours en mesure de se mettre à travailler 14 heures par jour comme c'est attendu.
Une injonction leur est donnée : collez vous sur le moule des autres. C'est un peu leur dire "soyez quelqu'un d'autre".
Mais comment peut-on leur dire "vous êtes nuls" ? Par définition, ils ne sont pas nuls : ils ont été recrutés sur un dossier d'excellence.
Peut-être que ce sont les enseignants qui sont incapables de les amener à travailler correctement les matières ?
Peut-être que c'est le processus de recrutement qui est à revoir ?
Mais ces questions ne sont jamais soulevées.
C'est toujours à l'étudiant de "se mettre au travail". "Travailler plus". Comme si certains élèves pouvaient arriver à Louis-le-Grand, Henri IV, Sainte Geneviève mais aussi dans la plupart des prépas de France avec l'intention d'en faire le moins possible.
Il y a quand même d'autres cursus possibles quand on décide d'être paresseux, non ?
Alors de Brest, Paris ou plus récemment de Grenoble et Lyon, je reçois des appels de parents dont les enfants sont "poussés vers la sortie". "Parce que dans une prépa publique on ne peut pas les virer officiellement" me disait une mère.
Oh, si on peut, et c'est bien ce qu'ils font.
Avec force humiliation, reproches, critiques, remarques négatives, commentaires désobligeants. Dans la vie civile, ça s'appelle désormais du harcèlement et c'est puni au pénal dans la loi. Mais en prépa, c'est encore un mode d'enseignement pour certains.
Je témoignais il y a quelques jours qu'il m'a fallu 20 ans pour m'en rendre compte. Il a fallu le mouvement #MeToo pour me rendre compte que les comportements que nous avions en prépas entre 1998 et 1999 au lycée Pothier à Orléans n'étaient pas acceptables.
En effet, quand les 2 seuls filles de la classe posaient une question au prof, les 5/2 du fond de la classe perpétuaient une sorte de tradition de cette classe de PSI* et lançaient un bruissement "Cuissssse".
Les élèves bien élevés qui prenaient la peine d'adresser un "bonjour" au prof en entrant dans la classe étaient également repérés comme fayots et leurs prises de parole étaient accompagnées du bruissement correspondant : "Suce" d'une distinction sans nom.
Ce que je propose aujourd'hui, c'est de décider que ce n'est plus acceptable. Je recueillerai tous les témoignages qui permettront de dénoncer ces pratiques là où elles ont encore lieu.
Je propose aux parents de penser qu'il leur est légitime d'intervenir auprès des établissements pour faire cesser ces pratiques, d'humiliation sexistes ou personnelles.
Deux sujets nécessitent d'être étudiés :
- les suicides sur lesquels les établissements et la presse ne communiquent qu'à minima. Pour faire une recherche, en novembre 2018 seul mon article de blog faisait mention d'un suicide à Hoche. En faisant la recherche "suicide hoche novembre 2018" on trouve un article beaucoup plus récent du Figaro sur les parents qui essaient de se remettre du suicide de leur enfant (janvier 2023)
- le harcèlement moral qui conduit à la dépression ou au brun out.
Ce qui me semblerait un premier pas, c'est que les enseignants soient formés sur les sujets du haut potentiel intellectuel (le nouveau nom pour "surdoués") et qu'ils puissent tenir compte de leurs spécificités puisque par définition ils en recrutent un grand nombre chaque année dans leurs classes sans savoir les mettre en valeur et leur permettre d'exprimer leurs talents.
Mais un système de compétition par les maths, dans une logique "le plus possible, le plus vite possible" peut-il être adapté à la sensibilité, au besoin d'exigence personnelle et à la profondeur d'un cerveau intuitif, créatif et en arborescence ?
J'en doute.
Ce sont quand même eux qui feront nos meilleurs ingénieurs et chercheurs si nous voulons des solutions innovantes aux enjeux qui sont devant nous !
Bonne journée,
Gabriel