lundi 15 juillet 2019

S'il est encore temps, ne faites pas les classes prépas



Bonjour, 

Après 20 ans à penser que si c'était à refaire, je referais les classes prépas, je propose aujourd'hui d'imaginer que je ne les referais pas. 

En effet, me posant la question pour mes propres enfants, j'ai tranché : je ne souhaite pas qu'ils fassent les classes prépas. 

Quand je me posais la question, la logique me faisait dire que n'ayant pas les informations que j'ai aujourd'hui, je reprendrais la même décision. 

Désormais, c'est bien avec les informations collectées depuis que je souhaite mener cette réflexion.

Des connaissances sur moi


Le premier point, c'est que j'ai découvert, depuis, ce qu'est la précocité ou le haut potentiel intellectuel. En ce qui concerne les classes prépas, je ne considère pas que c'est un atout parce que l'aspect qui me semble le plus important, c'est l'hypersensibilité. 

Être hypersensible en prépa est source d'une trop grande souffrance pour pouvoir utiliser au mieux ses compétences et ses talents.

Correctif 25 juillet 2019 : 
Évidemment, si vous êtes très doué et que vous ne vous sentez pas hyper sensible pour autant, les classes prépas sont faites pour vous !

Des connaissances sur les classes prépas


C'est aussi ce que j'ai vécu en prépa qui me permet de trancher. Il n'y est pas question de bienveillance, d'accompagnement des élèves vers leurs plus grandes performances, de développement des talents pour construire un métier et une vie professionnelle. 

Il s'agit d'utiliser les maths et la physique ; le français, le latin et la philo ; ou la biologie comme outils de sélection d'un certain nombre d'élèves parmi d'autres. 

Pas pour évaluer leur capacité de travail, leur intelligence, leur créativité. Non, pas vraiment. 

Ajout 25 juillet 2019
Comme toute expérience particulièrement marquante, les classes prépas deviennent constitutives de notre parcours et de notre identité. C'est la raison pour laquelle de nombreuses personnes s'offusquent quand on s'en prend aux classes prépas : c'est un peu comme si on s'en prenait directement à une part d'eux-mêmes.


Pourquoi je vous invite à éviter les classes prépas si vous le pouvez encore?


Les classes prépas ne vous apporteront rien. 

Sacrifier votre vie familiale, amicale et artistique pour faire des maths toute la journée ne vous apportera ni satisfaction, ni augmentation de vos qualités intellectuelles, ni construction d'un projet professionnel intéressant. 

Voir des professeurs vieillissants (même jeunes), pontifiants, sclérosants (même dans leur excellence) ne vous apportera rien. 

Passer d'un système de notation entre 16 et 20/20 à un système de notation entre 8 et 12/20 - en fait même entre 6 et 10, puisque la moyenne de classe est à 8,5/20 - ne vous apportera rien non plus. 

Faire le plus possible de maths toute la journée, n'apporte rien de particulier, même en maths. 
Apprendre le plus possible, le plus vite possible n'apporte rien non plus. 

Au mieux, vous pourrez prendre la grosse tête parce que tout à coup votre puissance de calcul et  votre mémoire vous permettront de vous classer largement devant les autres alors que jusque là vous étiez seulement premier. 

Au pire, vous vous mettrez à douter de vous parce que vous faites du mieux que vous pouvez, vous travaillez beaucoup mais que les notes ne suivent pas ou que si elles suivent, au bout de trois semaines ou trois mois, ça vous gonfle. 

Évidemment, il faut distinguer les tempéraments, les modes de travail. 

Si ce que vous aimez, c'est travailler la même matière, tous les jours, toute la journée, ça peut vous convenir. 

Par contre, si ce que vous aimez, c'est changer d'activité toutes les heures, faire aussi bien du piano que du vélo et aller voir vos amis ou passer l'après-midi au bord du lac... je vous déconseille de vous enfermer 2 ans en prépa. 

Bien sûr, ça peut sembler une bonne idée pour devenir ingénieur en aéronautique ou agrégé de lettres et faire le métier de vos rêves. 

Mais qui rêve réellement d'étudier Bourdieu et Barthes toute la journée ? De passer ses après-midi à apprendre les démonstrations des théorèmes de maths pour la colle de mercredi ? 

Qui rêve d'avoir l'impression de ne plus savoir faire une dissertation après avoir eu pourtant 18 en dissert' au bac de français ?

Qui rêve d'entendre, après 14 ans de scolarité plus ou moins obligatoire - c'est l'instruction qui est obligatoire, pas l'école, qu'on se le dise ! Cf. le film Etre et devenir pour en savoir plus - que jusque là "c'était pas des maths" (Damien Millet, agrégé de mathématique, Orléans, septembre 1997)

Je ne suis pas amer


20 ans plus tard, je me réjouis de ressentir que je ne suis pas amer. Je ne regrette pas d'avoir fait les classes prépas. Je pense néanmoins que j'ai passé plusieurs mois en stress post traumatique, que j'ai mis plusieurs années à me reconstruire. 

  1. Pendant toutes les années qui ont suivi je n'ai plus été capable de prendre sur moi. C'est-à-dire que dès les premières frustrations, j'ai quitté les emplois que j'essayais d'occuper (bon jusqu'à un an ou 18 mois, quand même, parce qu'il y avait une certaine habitude à la souffrance et à la remise en question de soi avant les autres ou le cadre)
  2. Pendant toutes les années qui ont suivi, j'ai eu des difficultés de confiance en moi, de prise de décision, de gestion du stress. Je passais mon temps à penser que les autres savaient mieux que moi ce qui serait bien pour moi. Et je leur demandais conseil ! Heureusement j'ai fini par rencontrer une coach qui m'a permis de faire le chemin inverse et de découvrir que c'était moi qui détenait les clés !
Ajout 25 juillet 2019 
Quand je lis le titre, je me dis qu'on peut dire " 


Désormais, je me connais mieux


Je peux reconnaître que j'ai du talent. Que je réfléchis vite. Que j'ai de bonnes qualités de réflexion, d'analyse, de compréhension d'une situation. 

J'accepte aussi l'idée que je n'aime pas qu'on me dise ce que je dois faire. Je préfère travailler à mon compte en choisissant chaque jour ce que je fais, ce que je ne fais pas. 

Je suis émotif, hyper sensible, c'est ce qui me permet de sentir ce qui se passe pour l'autre quand il me demande un accompagnement, un coaching.

Il me reste à accepter d'être brillant et visible


Jusque-là, je préférais rester caché. Animer un blog personnel discret. Écrire des articles sur ce que j'avais vécu, certes, mais en disant les choses à demi mot. En parlant peu des réussites de mes accompagnements. 

Oh, je fais quand même au mieux, mais un blog bordélique, dans lequel on n'arrive pas à naviguer, une offre pas très claire, pas trop chère, pour ne pas déranger, presque...

Être brillant c'est accepter que mon parcours est hors du commun. Un artiste qui fait 6 ans d'études en maths, physique puis en ingénierie, dans trois pays différents, dans deux langues. 

Un grand inquiet qui remet toute sa carrière, à peine démarrée, et son métier en jeu, à 29 ans, par souci de cohérence et de sens. 

Qui voit "le reste du monde" faire la même démarche, 10 ans après, éberlué, en se disant qu'il n'est peut-être pas "bizarre" finalement, mais précurseur, avec d'autres avant lui, encore plus rares...



S'il est encore temps pour vous de gagner 15 ans, faites-le !


Décidez, en conscience, du métier que vous voulez faire. Si vous ne savez pas, cherchez au fond de vous, ce que vous savez mais que vous ne voulez pas voir. 

Au lieu d'écouter les doutes et les peurs de vos proches, ou celles que vous avez désormais intériorisées, écoutez vos envies, mettez vous à l'écoute de vos talents, de vos prédispositions. 

Si vous aimez quelque chose. 
Si vous avez du talent dans un domaine. 
Si ça vous parait "facile". 

Imaginez que ça a de la valeur. 
Imaginez que vous pouvez apporter cette valeur au monde au lieu de la dévaloriser. 

De toutes façons, les classes prépas ne vous permettront pas de réaliser votre talent, même si ce sont les maths ! Les véritables mathématiciens ne trouvent pas leur compte en prépa : le rythme est trop rapide, les sujets sont trop survolés, les maths sont trop utilitaires = au service du concours. 

Si votre talent, c'est l'ingénierie, il va vous falloir prouver vos compétences en sciences fondamentales pendant 2 ans avant de pouvoir vous consacrer à ce qui vous intéresse ! Ça devrait être l'inverse : on devrait se consacrer à la cible (l'aéronautique par exemple) et se plonger dans les traités de physique fondamentale quand c'est au service de notre projet, de notre construction, de notre rêve. 

Orientation et projet professionnel


Vous ne ferez pas l'économie d'une réflexion sur votre orientation. Si vous ne la faites pas, la vie le fera pour vous. Ce n'est pas facile, d'oser donner du crédit à ses envies. Ce n'est pas tout à fait autorisé, de donner de la place à ses rêves. 

Les adolescents que l'on voit ont presque tous la même réponse : "Je ne sais pas", à la question devenue piège tendu de la conversation avec le premier adulte venu : "Que veux tu faire (plus tard) ?"

Un cadre sécurisé, protecteur, devrait être posé autour de cette question. 

Il devrait être interdit de la poser pour mieux détruire le projet de l'enfant qui grandit. 
- Pompier... ah, comme tous les enfants.
- Policer... ah, non quand même.
- Infirmière... mais c'est pas un métier de garçon !
Ou "tu veux pas plutôt être médecin ?"
- Médecin... il ne faut pas rêver, le concours est trop dur. 

Alors, "ingénieur", personne ne sait vraiment ce que c'est, mais ça pète, c'est rassurant. 

Ou "je vais faire les classes prépas" pour garder le maximum de portes ouvertes. Mais ce n'est pas un but dans la vie, ça de ne pas choisir. Une fois encore, si tu ne choisis pas, la vie choisira pour toi.

Tu te gardes "toutes les portes ouvertes" mais tu as éliminé : médecin, infirmier, pâtissier, ébéniste, avocats... 90% des professions en fait !

Ah, non, parce qu'après une école d'ingénieur on peut tout faire !

Mais c'est exactement l'inverse : une école d'ingénieur c'est tellement pourri comme "projet professionnel" et parfois comme "métier" qu'heureusement, après, il y en a qui décide de prendre leur vie professionnelle en main et qui sont capables de reprendre des études, de poursuivre des études, de recommencer à zéro ou de trouver des passerelles pour ne pas rester toute leur vie à "gérer des projets".

A décider quand on va commencer. A faire une réunion pour annoncer qu'on va commencer. A saisir dans microsoft project tous les jalons qu'il faudra tenir alors qu'ils ont été décidé "au pif" puis à suivre au fil de l'eau, le travail... des autres. 

Ouah, je suis "chef de projet" et je peux être chef de projet en "tout". D'ailleurs, je suis même chef de projet certifié, garanti, labellisé. PMP ou SAP. Si ça peut être un grand projet informatique complexe, c'est encore mieux, une fois installé dans l'entreprise, elle ne pourra plus travailler sans un consultant (ou 10 !) dédié(s) pour l'outil informatique de suivi de l'activité de l'entreprise...

Alors piloter un avion, créer des pâtisseries ou faire cuire du pain à partir de céréales qu'on a fait pousser, ça redonne du sens à tout un tas de professionnels qui avaient choisi de "faire des études longues", de "garder des portes ouvertes" ou de "faire des maths parce que les maths, c'est dur, donc c'est bien" (moi).

 




Gabriel Brabant